
Six cadres de la compagnie pétrolière, dont son patron Patrick Pouyanné, ont été accrédités à la COP28 dans la délégation du gouvernement français. Interpellé par Mediapart, le ministère de la transition énergétique, actuellement à la table des négociations à Dubaï, refuse de reconnaître les faits.
« La priorité des priorités est que les pays les plus avancés sortent des énergies fossiles. [...] Rien ne doit nous divertir de cette ambition », a solennellement déclaré Emmanuel Macron, le 1er décembre dernier, à l’ouverture de la COP28.
À la table des négociations internationales sur le climat réunissant près de 200 pays, la France s’affiche comme l’un des porte-drapeaux les plus allants sur la fin des énergies fossiles. Le gouvernement a fait de l’élimination du pétrole, du gaz et du charbon, l’une de ses priorités diplomatiques, allant jusqu’à s’allier avec d’autres États autour de cette mesure phare, au sein de coalitions comme Beyond Oil and Gas Alliance ou la High Ambition Coalition.
Mais derrière cet étendard pro-climat se cache une tout autre réalité diplomatique. Selon des données de Corporate Europe Observatory, six hauts cadres de la compagnie pétrogazière TotalEnergies ont été accrédités directement par le gouvernement français pour participer à la COP28. (...)
Parmi eux figurent notamment Patrick Pouyanné, le PDG du groupe, Marina Perez, vice-présidente chargée des affaires publiques internationales de TotalEnergies, ou encore Samir Oumer, directeur général de la filiale émiratie du géant pétrolier.
Le 5 décembre dernier, une analyse de la coalition d’ONG Kick Big Polluters Out révélait qu’au moins 2 456 lobbyistes des énergies fossiles avaient été accrédités à la conférence internationale sur le climat de Dubaï. Un record dans l’histoire des COP.
En revanche, que des industries pétrogazières soient accréditées par des gouvernements, et donc fassent partie intégrante de leur délégation officielle tout en bénéficiant d’un accès privilégié aux pourparlers, éclaire d’un jour nouveau le mélange des genres entre diplomatie économique et lobbying pro-énergies fossiles.
Cette « zone grise » est d’autant plus frappante que le gouvernement refuse de reconnaître cette accréditation tout à fait particulière. (...)
Les pontes de TotalEnergies ont été enregistrés au sein de la délégation officielle française en tant que « Party Overflow ». Cet accès s’incarne par un badge de couleur rose et, ainsi que l’explique à Mediapart Pascoe Sabido de Corporate Europe Observatory, « est utilisé par les États pour faire entrer les intérêts privés par la petite porte. Cette accréditation donne un accès très privilégié à la COP, et autorise à aller là où les délégations des États vont, notamment dans des espaces de réunions ministérielles où ni la presse ni les ONG ne peuvent aller ». (...)