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Crise des exploitant·es, lobbying, loi Duplomb : l’agriculture paysanne menace de disparaître
#agriculturePaysanne #LoiDuplomb
Article mis en ligne le 14 juillet 2025
dernière modification le 11 juillet 2025

Dans un contexte de concentration des exploitations agricoles, qui menace encore de s’aggraver avec la récente loi Duplomb, les difficultés autour de la transmission des fermes familiales explosent. Une situation d’autant plus difficile quand les repreneuses sont des femmes.

Ne pas venir du milieu agricole, ni du territoire et être une femme sont autant de critères rendant l’accès aux métiers d’agriculture tendu. A l’heure où l’enjeu du renouvellement de la génération agricole est immense - la moitié des agriculteur·ices partiront à la retraite dans les 5 à 10 prochaines années - les NIMA, les Non Issus du Milieu Agricole, représentent plus de 62% des candidat·es à l’installation mais seulement ⅓ d’entre elles et eux iront jusqu’au bout. Et ceux qui dirigent actuellement l’agriculture en France ne leur facilitent pas la tâche.

Rachel, qui se raconte dans l’épisode 5 de Manuel Déterre, nous invite à interroger la dégringolade des chiffres entre les porteuses de projets et celles qui s’installent officiellement en agriculture.

Complément d’enquête ici avec d’autres témoignages, des questions pour continuer à creuser et l’impact de la loi Duplomb sur les transmissions-installations. (...)

Des croyances qui bloquent, des institutions noyautées et la loi Duplomb qui vient de passer

Transmettre sa ferme à quelqu’un n’est pas un sujet technique. C’est avant tout un sujet humain. Il n’est pas facile de le mettre sur la table et la plupart des technicien·nes au contact des paysan·nes sont bien en peine de l’évoquer : « Le tabou est partagé par le milieu agricole et le para-agricole. Qui pose la question : et toi, t’as prévu quoi pour l’avenir de ta ferme ? Personne ou presque. C’est un sujet intime qui fait peur. La transmission peut être abordée sous l’angle technique par les banquiers et les conseillers de gestion mais elle est très peu discutée enterme de projet personnel, d’humain, d’intention » relate Mathilde Lefèvre, coordinatrice au CIVAM Installation-Transmission 35.

Une croyance forte prévaut à l’heure actuelle dans le milieu agricole : ils sont nombreux à penser que leur ferme n’est pas transmissible, que personne ne voudra reprendre derrière eux. Les causes sont multiples : il y a leur vision du métier, dur et prenant avec un avenir plus qu’incertain et il y a leur vision des repreneurs. Difficile de mettre ce mot au féminin tant il constitue souvent un impensé. Les craintes quant à l’installation d’un·e jeune sont fortes (...)

Ces agrandissements abusifs sont également rendus possibles car l’instance de régulation du foncier en France, la SAFER (2) ne dispose pas des moyens humains pour avoir l’œil sur l’ensemble des transactions ni d’une volonté politique forcenée pour ralentir ou empêcher la concentration des moyens de production.

Créée par l’État dans les années 60, la SAFER est une société anonyme à but non lucratif, sous la double tutelle des ministères de l’agriculture et de la finance. (...)

Il est vrai que les prix du foncier agricole en France, bien que variables d’une région à l’autre, sont moins élevés que chez nos voisins d’Europe. Toutefois, le rôle d’intérêt général inscrit dans les statuts de la SAFER est fort régulièrement bafoué. (...)

Mardi 08 juillet 2025 à 18h30, la loi Duplomb a été adoptée à l’Assemblée nationale après un parcours inédit, véritable hold-up démocratique dans lequel le lobbying de la FNSEA en alliance avec la macronie et le RN a fait son œuvre (5). Outre la réintroduction d’un pesticide néonicotinoïde interdit depuis 2018 pour ses effets délétères sur les abeilles et la santé humaine, la loi Duplomb allège les conditions d’agrandissement des élevages et ouvre un boulevard de plus à la concentration d’animaux dans des bâtiments toujours plus gros nécessitant toujours plus de foncier pour épandre les effluents produits par des milliers de bêtes enfermées 24 heures sur 24. (...)

La loi encourage directement les fermes d’élevage à grossir, à concentrer le nombre d’animaux et donc à accroître la pression sur le foncier.

En leur facilitant la vie au niveau administratif et contrôles environnementaux, en limitant le regard des citoyens usager·es du même territoire, le gouvernement poursuit main dans la main avec la FNSEA sa politique agricole au service de l’agro-industrie, au détriment de la préservation de l’environnement, de notre santé et des fermes paysannes en renforçant encore la pression entre voisins agriculteurs dans nos campagnes (7). Et la ministre de l’agriculture applaudit.

Un rôle à prendre par les collectivités

Le ministère de l’Agriculture a failli une fois de plus à sa mission d’intérêt général.

La SAFER aussi. Malgré sa feuille de route l’obligeant à œuvrer au renouvellement des générations agricoles, elle n’intervient pas dans les situations d’agrandissements abusifs voire soutient des projets allant dans ce sens (8) . A moins que…

A moins qu’elle ne soit saisie pour préempter.

Préempter signifie faire jouer un droit d’acheter avant un autre. La SAFER possède ce droit sur toute transaction en milieu rural. Elle ne le fait jouer d’elle-même que rarement mais y est contrainte si elle est saisie par une collectivité, un syndicat, une structure agricole ou un·e paysan·ne lui-même en faveur d’un·e porteur·euse de projet. (...)

La redistribution du pouvoir d’accès à la terre doit être gérée dans le souci de l’intérêt général et pas de celui de quelques-uns. La veille foncière par les collectivités est aujourd’hui un levier majeur (...)

Fort heureusement, des structures liées à d’autres réseaux, portant haut les valeurs d’une agriculture paysanne pour des campagnes vivantes et solidaires, s’attellent à proposer d’autres méthodes et à créer du lien entre des publics de prime abord éloignés. (...)

Ces espaces de rencontres apparaissent indispensables pour sortir du schéma où à défaut d’enfant mâle, la retraite venue, on vend au voisin toujours prêt à s’agrandir.

Les réseaux des ADEAR et des CIVAM sont les principales structures à porter cette approche.

Les NIMA se tournent majoritairement vers elles, et notamment les femmes. (...)

L’accès à la terre étant crucial, il est indispensable d’accompagner la rencontre des cédants avec des candidat·es à l’installation. Avoir une véritable politique volontariste. Et là encore, les collectivités locales ont un rôle à jouer pour garder des fermes sur leur territoire. Du porte-à-porte transmissibilité s’est lancé en Bretagne (14) pour aller vers plus d’agriculteurs potentiels cédants en leur rendant visite directement dans leur ferme et œuvrer ainsi à les mobiliser dans le sens d’une transmission - installation

Lire aussi :

 (Editions Syllepse)
Cultiver les communs

Ce livre commence par expliquer comment l’appropriation de la terre a joué un rôle central dans l’émergence du capitalisme et la façon dont elle joue un rôle tout aussi important dans sa perpétuation.

Le foncier agricole est intégré à la logique capitaliste par son accaparement, sa marchandisation, sa financiarisation et la simplification de ses usages. Cela permet l’extraction de profit tout à la fois par la rente foncière, par la plus-value volée au travail paysan et par la destruction des écosystèmes.

Cette extension de la sphère capitaliste aux terres détruit les sociétés et les écosystèmes. De plus, elle restreint drastiquement l’exercice possible des droits humains et de la nature.

Le livre détaille ensuite les mouvements sociaux qui s’inspirent des théories des communs pour mettre en œuvre une sortie du capitalisme par la terre aujourd’hui en France.
C’est le cas de l’acquisition et de la gestion collectives de terres pour y déployer des alternatives à l’agriculture industrielle. Mais c’est aussi l’objet de luttes d’occupation de terres et de désobéissance civile. (...)