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Emmaüs Tarn-et-Garonne accusé d’avoir exploité des enfants
#Emmaus #exploitation
Article mis en ligne le 4 mars 2024
dernière modification le 3 mars 2024

Christian Calmejane, trésorier d’Emmaüs International jusqu’en 2023, aurait exploité des mineurs dans la communauté qu’il dirige dans le Tarn-et-Garonne. Agés de 14 à 17 ans, ils devaient trier les vêtements, gérer les espaces verts ou la crèche.

La Ville-Dieu-du-Temple (82) – Ce 6 juin 2023 au petit matin, la brigade de recherche de Castelsarrasin, petite ville en banlieue de Montauban (82), interpellent quatre individus à leurs domiciles. Ils sont soupçonnés d’avoir détourné plus de 57.000 euros des caisses de l’association Emmaüs Tarn-et-Garonne. Parmi les gardés à vue, une figure du mouvement de l’Abbé Pierre : Christian Calmejane, ancien trésorier d’Emmaüs International – qui fédère l’ensemble des groupes dans le monde – et directeur de la communauté locale depuis 27 ans. Ce dernier a comparu devant le tribunal judiciaire de Montauban en novembre dernier et a été sommé de justifier un dépôt suspect de 83.000 euros en liquide sur ses comptes personnels. À la surprise générale, il a finalement été relaxé. Le procureur, qui avait requis contre lui 12 mois de prison avec sursis pour blanchiment aggravé et abus de confiance, a fait appel de la décision.

« Ce procès était une mascarade », lâche Madeleine (1), ancienne membre du conseil d’administration de l’association devenue lanceuse d’alerte. Depuis son recrutement en février 2018, elle dénonce des maltraitances dont seraient victimes les quelque 280 compagnons répartis sur les quatre sites de la communauté et dont une grande majorité serait sans-papiers. Selon elle, une grande partie travaillerait à temps plein pour une rémunération d’environ 80 euros par semaine et aurait été recrutés sur de fausses promesses de régularisation. (...)

Sur des plannings d’activité que StreetPress s’est procuré, les noms d’au moins quatre mineurs âgés d’au moins 14 à 17 ans apparaissent effectivement aux côtés de ceux des compagnons. Ils sont désignés sur diverses tâches à responsabilité, notamment la gestion des espaces verts ou de la crèche. « J’ai vu au moins dix mineurs travailler dans la communauté, pendant les vacances scolaires ou les week-ends. Parfois, les salariés référents décidaient de les payer mais pas toujours », confirme Amiran le Géorgien. (...)

Des conditions de vie indignes

(...) un cadre quasi carcéral au sein de la communauté : « Ils t’interdisent d’inviter du monde. […] Si tu poses des questions sur tes droits, ils s’énervent. Ils nous avaient demandé de ne pas parler de nos conditions de travail aux bénévoles ou à l’extérieur. Ils avaient peur qu’on raconte ce qui se passe à Emmaüs. » Que ce soit à propos du travail des enfants ou sur les conditions d’accueil. À leur arrivée, Julian et sa famille auraient été hébergés dans un mobil-home délabré, au toit de tôle fissuré. « L’eau tombait à l’intérieur, au milieu du couloir », se rappelle le père. Une situation d’insalubrité que connaissent plusieurs compagnons contactés par StreetPress.

Dans un courrier adressé à la préfecture le 29 août 2020, la lanceuse d’alerte Madeleine alertait déjà sur les conditions de vie indignes du dispositif d’urgence (...)

Emmaüs Tarn-et-Garonne intègre pourtant un dispositif d’hébergement d’urgence de 80 places ouvert toute l’année, en collaboration avec le 115. Dans le cadre de ce dispositif, l’association a reçu de l’État une subvention de 450.000 euros en 2020. (...)

« Tout le monde sait ce qu’il se passe dans la communauté mais le responsable est protégé politiquement, car c’est l’une des associations préférées des français. » (...)

En janvier 2021, Madeleine a également tenté d’alerter Emmaüs France sur les dérives de la communauté via courrier recommandé. Aucune réponse ne lui est apportée mais elle reçoit quelques semaines plus tard une mise en demeure d’un cabinet d’avocats mandaté par son ancien employeur et la menaçant de poursuites judiciaires suite à ces dénonciations. Dans un enregistrement audio que StreetPress a pu consulter, Christian Calmejane se félicite qu’« Emmaüs France ne [tienne] pas compte » de l’alerte de Madeleine. Il craint cependant une rébellion de ses compagnons. Des tracts dénonçant les dérives de l’association circulent alors la nuit dans la communauté et un groupe WhatsApp aurait été créé pour évoquer les problèmes. Le responsable, hors de lui, réunit l’ensemble des compagnons et prévient ses détracteurs, selon un enregistrement dont StreetPress a pris connaissance :

« Je redis bien à ceux et celles qui font ça qu’ils ont jusqu’à demain pour se manifester. S’ils ne le font pas, il ne faudra pas attendre d’indulgence ou de gentillesse de ma part. C’est clairement quelque chose qui est fait pour me nuire et donc qui va nuire à la communauté. » (...)