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Les allocataires du RSA vont-ils vraiment être forcés à travailler ?
#RSA #Travail
Article mis en ligne le 1er novembre 2023
dernière modification le 31 octobre 2023

Le versement du RSA devrait être conditionné à 15 heures d’activité par semaine. Des dérogations sont prévues, mais la réforme questionne : va-t-on vers le travail gratuit ?

Le 23 octobre, Olivier Dussopt ne cache pas sa joie. Sur X (anciennement Twitter), le ministre du Travail s’exclame : « Très heureux que les députés et sénateurs aient trouvé un accord sur le Projet de loi (PJL) Plein Emploi ! [Un] meilleur accompagnement pour les demandeurs d’emploi et allocataires du RSA. »

Le même jour, sénateurs et députés réunis en commission mixte paritaire se sont accordés sur une version finale du texte, qui avant d’être promulgué, doit être adopté par les deux chambres. Au cœur du projet de loi, se trouvent la transformation de Pôle emploi en France Travail et le conditionnement du versement du revenu de solidarité active (RSA).

Depuis plusieurs mois, cette mesure phare crée des tensions. Concrètement, toutes les personnes sans emploi devront, d’ici 2025, s’inscrire à France Travail et signer un contrat d’engagement : pour toucher leur allocation mensuelle de 607 euros... (...)

Tout le monde ne sera pas concerné par cette obligation d’activité : le texte sur lequel se sont accordés les parlementaires stipule en effet des exceptions. La durée d’activité pourra être réduite (moins de 15 heures donc) ou les allocataires pourront en être complètement dispensés s’ils rencontrent des problèmes de santé, de handicap ou dans le cas d’un parent isolé sans solution de garde pour un enfant de moins de 12 ans. Ces dérogations sont une condition formulée par les députés LR pour qu’ils soutiennent le texte à l’Assemblée.

Pour les allocataires non dispensés, la nature des activités reste encore floue. Sur le site du ministère du Travail, il est question « d’immersion en entreprise pour affiner son projet professionnel », « d’obtention du permis de conduire », de « démarches d’accès aux droits » ou encore de « participation à des activités dans le secteur associatif ». (...)

Beaucoup dénoncent un passage vers du travail gratuit.

« On inflige aux bénéficiaires du RSA une triple peine : être pauvres, être stigmatisés et être obligés de travailler gratuitement », s’insurge notamment Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. « Ne parlez pas de travail ! », répondait Olivier Dussopt aux députés de La France insoumise fin septembre, qui formulaient des critiques similaires dans l’Hémicycle. (...)

au fil des années, les discours politiques ont accentué la responsabilité individuelle des allocataires du RSA. Et aujourd’hui, en voyant les conditions requises, « il s’avère difficile de ne pas parler de travail », poursuit Maud Simonet, sociologue, chercheuse au CNRS et chroniqueuse chez Alternatives Economiques.

Car, reprend Xavier Timbeau, « même si c’est une activité qui n’est pas valorisée par le marché : faire traverser des enfants sur un passage clouté par exemple, ranger des cartons dans une entreprise, faire des photocopies, c’est un travail. Et un travail mérite une rémunération, il y a une rémunération minimale. C’est un terrain glissant juridiquement ».
(...)

« On voit que la tendance est davantage d’aller dans le sens d’un renforcement des devoirs pour les allocataires, plutôt que des droits. »

Et cela pourrait avoir des effets négatifs : « Renforcer les sanctions, c’est prendre le risque de multiplier les situations de non-recours. Des gens qui, au bout du compte, finissent par déserter le service public de l’emploi », ajoute Carole Tuchszirer. (...)

Quant aux bénéficiaires qui ne déserteraient pas, la suspension de l’allocation – s’ils ne respectent ou ne peuvent atteindre les objectifs du contrat d’engagement – « pourrait conduire à [les] priver intégralement de ressources, les empêchant de subvenir à leurs besoins élémentaires », déplorait la Défenseure des droits, dans un avis publié en juillet.

Mais le gouvernement persiste et signe : ce projet de loi doit permettre de concrétiser l’objectif de réduire le chômage autour de 5 % d’ici 2027. A quel prix ?