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RFI
Les sherpas, héros de l’ombre de l’Everest
#Everest #sherpas #tourisme #pollution
Article mis en ligne le 25 septembre 2024
dernière modification le 23 septembre 2024

Popularisés auprès du grand public par la sortie du documentaire du youtubeur Inoxtag, les sherpas sont au centre de toutes les expéditions vers le sommet de l’Everest depuis 70 ans. Retour sur l’histoire et le rôle de ces guides et accompagnateurs indispensables pour se rendre sur le « toit du monde ».

Sherpa. Un mot entré dans le vocabulaire de millions de jeunes à la suite de la sortie du film documentaire « Kaizen », véritable carton d’audience sur YouTube. Retraçant le parcours du youtubeur Inoxtag pour gravir l’Everest en un temps record, la vidéo cumule plus de 28 millions de vues en une semaine. Mais aussi de nombreuses critiques, dont certaines portent sur le rôle des sherpas, et leur « travail de l’ombre ».

Une communauté structurée

Aujourd’hui, le terme de sherpa désigne principalement ceux qui accompagnent les alpinistes dans leur conquête des sommets himalayens, mais il fait initialement référence à une ethnie. Ces Tibétains, installés au Népal, au pied du « toit du monde », vivent quotidiennement dans ce paysage exceptionnel. Et depuis l’enfance, ils escaladent ces hautes montagnes qu’ils redoutent et vénèrent. « Pour moi, l’Everest, ça n’est pas seulement une montagne pour gagner de l’argent, pour moi c’est sacré », expliquait Tendi Sherpa, guide et chef d’expédition – une quinzaine d’ascensions à son actif –, dans le podcast de RFI « Si loin si proche ».

Pour atteindre le sommet, les sherpas se répartissent les tâches, comme l’explique François Carrel, auteur du livre Himalaya Business (...)

« On est dans les conditions d’ascension réelle puisqu’ils doivent grimper réellement, ils ne peuvent pas se tirer aux cordes puisque ce sont eux qui vont les poser. Ce travail est énorme et représente des semaines de travail dont ne prennent pas conscience les grimpeurs occidentaux », regrette le journaliste. (...)

Dans le film d’Inoxtag, ceux que l’on voit sont les « climbing sherpas », ceux qui vont accompagner les clients jusqu’au sommet, l’élite de la communauté. Entre ces deux castes, on retrouve les sherpas habilités aux camps de base qui « surveillent pendant leur sommeil l’état des clients et les approvisionnent en oxygène, en nourriture ». Un travail de l’ombre que l’on ne voit pas dans le film du youtubeur selon François Carrel : « Il dit bien sûr que sans les sherpas, il n’aurait pas réussi, mais en aucun cas, il n’explique à quel point le travail est prémâché. » (...)

Depuis la première ascension du Chomolungma (le nom tibétain de l’Everest, signifiant « déesse mère du monde »), réalisée en 1953 par le Néo-Zélandais Edmund Hillary et le sherpa Tensing Norgay, la quête vers le sommet le plus haut du monde a fait rêver de nombreux amateurs de sensations fortes, principalement venus d’Occident.

Pour tenter de gravir l’Everest, les aventuriers doivent « passer par une agence et débourser à minima 30 000 euros ». Chaque saison (qui ne dure que d’avril à mai), entre « 650 et 850 personnes » se rendent au pied de ce massif, d’après les chiffres de François Carrel, précisant que « 260 sherpas sont morts depuis le début de l’exploration himalayenne » (...)

Si, précisément, leurs revenus restent flous à cause de l’opacité des agences qui les emploient, un sherpa peut gagner entre 4 000 et 7 000 euros. Une somme considérable dans un pays où le salaire minimum est de 110 euros par mois. Sans oublier « les pourboires laissés par des clients fortunés qui ne vont pas hésiter à donner quelques milliers de dollars en plus aux sherpas qui les auront accompagnés », révèle l’auteur d’Himalaya Business.

Inoxtag lui-même le souligne dans son documentaire : « Pour nous, les Occidentaux, c’est [un] rêve de monter [l’Everest], mais lui, il y va pour vivre. » Une somme qui n’empêche pas certains internautes d’y voir une forme d’exploitation tant ce métier de l’ombre est périlleux. (...)

Les businessmans de l’Himalaya

Au fil des décennies, l’ethnie sherpa a accaparé le monopole des expéditions himalayennes. « Il y a une catégorie de Népalais, très souvent des sherpas, qui ont créé des agences, qui sont les patrons de ces agences et qui eux sont des entrepreneurs tout à fait modernes et qui font ça très clairement pour gagner beaucoup d’argent », précise François Carrel. Aujourd’hui, ce peuple a pris une place prépondérante dans l’organisation, la logistique et la commercialisation de ces expéditions. Le tourisme à haute altitude ne pourrait pas exister sans eux.

« Génération après génération, ils ont accumulé un savoir et des compétences. Ils ne sont plus des sous-traitants ou des accompagnants mais ce sont bien eux qui gèrent les ascensions », poursuit le spécialiste. Patrons d’agence, d’hôtels, de restaurants, entrepreneurs en tout genre... le tourisme de l’Everest permet à des milliers de personnes de s’élever socialement après ce périlleux travail.

Bouddhistes, les sherpas entretiennent aussi un lien spirituel très fort avec ces sommets. Néanmoins, avec le développement continuel du tourisme, « on a une sécularisation de cette population, en particulier chez les jeunes générations qui sont des entrepreneurs et qui ont un peu perdu ce lien religieux », précise François Carrel.
Préserver les lieux

Ce qui ne les empêche pas d’être conscients de la nécessité de préserver les lieux. Tendi Sherpa alerte ainsi depuis des années sur les aspects négatifs d’une telle ascension, comme la surfréquentation. « C’est inquiétant et très dangereux […], ma mission c’est de forcer le gouvernement népalais à imposer un règlement pour encadrer tout ça », explique le guide devant les images impressionnantes d’embouteillages au sommet.

Autre problème de taille, la pollution laissée tout au long de l’ascension de ces sommets.

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