
Au moins quatre fusillades ont éclaté en moins d’un mois lors de regroupements de migrants à Loon-Plage, dans le nord de la France. Les équipes d’InfoMigrants ont été témoins de la dernière en date, mercredi 9 juillet. Les associations dénoncent des conditions de vie indignes qui exacerbent les tensions, tandis que les autorités incriminent des mafias qui ne se cachent plus pour gérer leurs affaires. Reportage.
Plusieurs détonations retentissent, un mouvement de foule. À Loon-Plage, la violence a de nouveau frappé. Aux alentours de midi, mercredi 9 juillet, des tirs ont retenti à proximité d’une distribution de nourriture organisée dans cette petite commune du nord de la France. Plusieurs centaines de migrants se rassemblent ici chaque jour autour d’associations comme Roots, Care 4 Calais, ou Médecins du monde.
Des journalistes d’InfoMigrants étaient en reportage sur place au même moment et ont assisté à la scène. Un homme a été blessé par balle au niveau du genou, il est vite pris en charge par des bénévoles de l’association anglaise Roots. Ils lui posent un garrot, en attendant l’arrivée des secours. Très rapidement, un gros attroupement s’est formé autour du blessé.
La veille, un autre homme avait été blessé à la jambe lors d’une fusillade au même endroit. "Voilà notre quotidien", résume un élu de la commune voisine de Gravelines. Le parquet de Dunkerque a confirmé à InfoMigrants l’ouverture de deux enquêtes sur les faits pour violences avec armes, confiées à la police judiciaire de Dunkerque. (...)
Mi-juin, deux Iraniens visés par des tirs étaient morts des suites de leurs blessures, tandis que plusieurs Soudanais avaient été blessés, dont un bébé.
Une violence devenue habituelle pour les exilés (...)
La violence entre les réseaux de passeurs n’est pas nouvelle. Dans les années 2000, des rixes entre migrants éclataient régulièrement, notamment à Sangatte, pour le contrôle de territoires. Depuis 2020 et le début du phénomène des "smalls-boats", ces affrontements ont repris de plus belle.
Cette fois, les trafiquants se disputent les quelque 200 km de plages de la Belgique à la Baie de Somme. (...)
Guerre de territoires entre passeurs
Selon les ONG et associations d’aide aux migrants, les conditions de vie indignes à la frontière franco-britannique multiplient les tensions entre exilés eux-mêmes (...)
À Loon-Plage, un chef d’entreprise a même vu le trafic s’installer en bas de ses bureaux. "J’avais les voitures des passeurs sur mon parking, on entendait des rafales d’armes automatiques, mais la mairie de Loon-Plage ne s’en est jamais occupée", témoigne cet entrepreneur qui a envoyé de multiples courriers recommandés à la mairie ou à la préfecture du Nord, comme a pu le constater InfoMigrants. Les migrants ont fini par se déplacer d’eux-mêmes quelques centaines de mètres plus loin.
Le trafic se déplace, mais les autorités peinent à trouver la parade. "Le business des passeurs, c’est comme le trafic de stupéfiants, c’est tellement lucratif que les fusillades risquent de se reproduire", estime Marc Musiol, policier et délégué Unité à la Police aux frontières (PAF) du Pas-de-Calais.
Des enquêtes judiciaires qui se heurtent à l’omerta (...)