
A l’issue du Sommet impromptu de Paris hier soir, Emmanuel Macron n’a pas exclu, pour la première fois, l’envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine, un net durcissement du ton vis-à-vis de la Russie, le constat que Moscou a lancé une guerre hybride contre l’Europe, mise au défi.
Derrière le triste anniversaire de la guerre en Ukraine, derrière le spectre de l’élection possible de Donald Trump, ou derrière le Sommet occidental qui s’est tenu hier soir à Paris et l’escalade à laquelle il a donné lieu une seule question : quel est l’état réel de nos relations avec la Russie de Poutine ? Sommes-nous en guerre sans le savoir ? (...)
Il y a le risque que ce brusque durcissement du climat soit interprété par une partie des opinions comme une manœuvre politicienne. Ignorer ce qui se joue sur le continent, c’est prendre un risque majeur pour la sécurité collective de l’Europe : c’est exactement ce qu’espère Vladimir Poutine.
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– (Mediapart - abonnés )
Michel Goya : « Ni la Russie ni l’OTAN ne veulent d’une guerre ouverte »
Après deux ans de guerre, une contre-offensive lancée à l’été 2023 qui a suscité beaucoup d’espoirs mais a finalement été un échec, un front que beaucoup disent figé, que peuvent et que doivent faire les forces armées ukrainiennes ?
Une idée semble émerger : en 2024, les troupes de Kyiv doivent pratiquer la « défense active ». L’expression a été utilisée à plusieurs reprises par des hauts gradés ukrainiens. Que veut-elle dire exactement ? Cette stratégie est-elle applicable à l’Ukraine, et à quelles conditions pourrait-elle fonctionner ?
Nous y répondons dans ce numéro de Retex avec Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine françaises et historien militaire. Il a publié en 2023 à propos de la guerre en Ukraine : L’Ours et le renard : histoire immédiate de la guerre en Ukraine (Perrin). L’historien explique pourquoi les forces armées ukrainiennes n’ont actuellement « plus les moyens de mener des opérations de conquête » et sont condamnées à « creuser » en tentant des raids limités.
Il revient également, en début d’émission, sur les propos très commentés du président Macron sur l’hypothèse de l’envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine – hypothèse que le président français a refusé d’exclure. Des propos « assez logiques » dans le cadre d’une « stratégie déclaratoire face à la Russie » : « Dans ce type de jeu de poker, ce n’est pas bon de dévoiler ses cartes et de dire “on ne fera pas ça” », ce qui ne signifie pas pour autant qu’on le fera, rappelle-t-il. Les propos d’Emmanuel Macron ont été, depuis, largement désavoués par les alliés de Paris.
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– dossier de Mediapart : Dossier Guerre russe contre l’Ukraine : l’an II
– (WSWS)
Un reportage du New York Times démolit le discours de la « guerre non provoquée » en Ukraine
Au cours des deux dernières années, presque toutes les références des médias américains à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 ont été obligatoirement précédées des mots : « non provoquée ».
On a dit au public qu’il s’agissait d’une guerre sans cause, que l’Ukraine était irréprochable et que l’invasion devait s’expliquer entièrement par les intentions et la psychologie d’un seul homme, le président russe Vladimir Poutine.
Cependant, le week-end du deuxième anniversaire de la guerre, le New York Times a publié un long article révélant que l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février 2022, avait été déclenchée par une campagne systématique et généralisée d’agression militaire et d’espionnage de la part des États-Unis.
L’article détaille les opérations de longue date de la Central Intelligence Agency (CIA) en Ukraine, au cours desquelles l’agence a financé et développé l’agence de renseignement militaire ukrainienne HUR, l’utilisant comme une arme d’espionnage, d’assassinat et de provocation dirigée contre la Russie pendant plus d’une décennie.
Le Times écrit :
Vers la fin de l’année 2021, selon un haut fonctionnaire européen, M. Poutine considérait le lancement son invasion à grande échelle lorsqu’il a rencontré le chef de l’un des principaux services d’espionnage russes, qui lui a dit que la CIA et le MI6 britannique contrôlaient l’Ukraine et la transformaient en tête de pont pour des opérations contre Moscou.
Le reportage du Times démontre que cette évaluation des services de renseignement russes était tout à fait exacte. Pendant plus d’une décennie, depuis 2014, la CIA a constitué, formé et armé les services de renseignement et les forces paramilitaires ukrainiens qui se livraient à des assassinats et à d’autres provocations contre les forces pro-russes dans l’est de l’Ukraine, contre les forces russes en Crimée et de l’autre côté de la frontière, en Russie même. (...)
La révélation d’une décennie d’opérations de la CIA en Ukraine – clairement à la demande de l’agence elle-même – semble être liée au conflit actuel au sein de l’élite dirigeante américaine sur la politique à adopter dans cette guerre, à la suite de la débâcle subie par le régime Zelensky lors de l’offensive de l’année dernière, qui n’a pas remporté grand-chose et qui a subi des pertes colossales. Les républicains du Congrès bloquent toute nouvelle aide militaire et financière à l’Ukraine, déclarant en fait que les États-Unis devaient réduire leurs pertes dans ce pays et se concentrer sur leur principal ennemi, la Chine.
En rapportant que l’appareil de renseignement militaire américain a essentiellement le contrôle du régime ukrainien, le Times cherche à faire pression sur les républicains pour qu’ils soutiennent le financement de la guerre. Il affirme que cet argent ne va pas à un gouvernement étranger, dans une guerre étrangère, à des milliers de kilomètres des frontières américaines, mais à un sous-traitant de l’impérialisme américain, menant une guerre américaine dans laquelle du personnel américain est intensément et directement engagé. (...)